Eure (27)

Evreux (suite)

Inondations de 1711

L’INONDATION DE 1711

Le Mardy Gras de ladite année 1711, 17e de février, il vint un dégel tout à coup qui causa une grosse eau si grande, depuis quatre heures après-midy jusques à 10 heures du soir, que l’on n’eust pas seulement le temps de tirer la viande du pot pour s’enfuïr. La plus part laissèrent les marmites à la crémaillée et ne soupèrent point. On emporta du feu dans les chaudrons et l’on l’y conserva. Chacun se retira dans les greniers, sans lesquels tout auroit péri. On monta les vaches jusques dans les greniers et les chevaux aussy dans quelques maisons. Ce n’estait qu’une mer jusques au pied de la côte et dans les rues, des torrens d’eau si rapides que l’on n’osait pas y présenter de bateau. Dans la rue Deschamps, on y mit un bateau par nécessité pour sauver les vaches, mais il falloit bien du monde pour le conduire. L’eau battoit dans la grande rue à un demi-pied de la barbe des murs. On fût contraint d’ouvrir toutes les portes pour laisser passer l’eau et d’abattre des murs pour sauver les maisons. Les soubassements des maisons furent emportés partout où ils n’estoient que de terres, et l’eau passoit comme un torrent dans ces maisons pour venir à la rivière. Cette grosse eau dura quatre jours dans sa force, après lesquels elle commença à diminuer. On alla chercher dans les greniers ceux qui souffroient. On en trouva qui estoient sans pain depuis trois jours et d’autres qui attendoient la mort dans l’eau qui n’en pouvoient plus.Tous les animaux souffrirent extrêmement à l’eau jusques au ventre, laquelle estoit froide comme du venin. Ceux qui estoient à l’air, estoient couverts, mais ils avoient jour et nuit des gresleaux et neiges fondues sur le corps. Néanmoins, il en périt peu par le bon soin. L’eau venoit jusques entre les cimetières. Il périt à Croth un enfant. Tous les parterres d’Anet furent ruinés et le ravage très grand par tout le Royaume… Le Mercier, Curé d’Ezy.

 

L’INONDATION DE 1787

 

Il tomba dans le pays et dans les environs une quantité prodigieuse d’eau pendant le mois d’octobre et la moitié de celui de novembre de cette année 1787. Le dix huit du mois de novembre nous eusmes une gelée très forte qui dura jusqu’au trois décembre, qui fut terminée par un dégel accompagné de pluie et la nuit du cinq au six de ce mois il tomba une pluie si abondante accompagnée d’éclair et de tonnerres qui dura depuis une heure jusqu’à cinq heures du matin, que le six au soir nous fumes assaillis par une inondation telle que depuis longtemps on en avait vu une semblable. Elle dura jusqu’au douze au soir ; on ne pouvait aborder à l’église qu’a l’aide d’un bateau qui se promenait par les rues avec le bateau du pain a ceux qui n’en avaient point. Plusieurs personnes firent des pertes considérables : l’année ayant été abondante en tous grains, plusieurs propriétaires avaient été obligés de mettre beaucoup de grains dans leur cour, qui fut en partie perdu par l’inondation. Ce pays ci ne faisait qu’une seule pièce d’eau qui s’étend jusqu’aux parcs d’Anet, en sorte qu’on pouvait quitter l’un pour aller à l’autre que par le secours d’un bateau que l’on ne faisait aborder qu’avec beaucoup de difficultés à cause de la trop grande rapidité de l’eau. Les petits ponts du parc d’Anet furent entraînés par les eaux. Plusieurs villages où l’on manque très souvent d’eau dans l’été, étaient également inondés. Beaucoup de murs furent renversés. Ne vaudrait-il pas mieux qu’ils ayent dans l’été cette trop grande quantité d’eau qui les gesne dans cette saison ? Si la répartition était égale, ils seraient heureux dans les deux saisons, loins d’etre malheureux ; mais n’oublions pas que l’homme propose et que Dieu dispose, et qu’il faut souffrir ce que l’on ne peut empescher. C’est dans cette année que le presbitaire d’Ezy fut rebasti et je fit ajouter au bout du presbitaire une sacristie pour pourvoir à la conservation des ornements de mon église que j’aurais désiré garantir elle-même de l’humidité dans laquelle elle est, mais sa singulière construction m’empêche d’exécuter mes désirs. Je m’occupe seulement d’en changer les dedans et d’une grange d’en faire au moins un lieu décent. J’espère que mes successeurs m’auront l’obligation que je voudrais avoir a mes prédécesseurs, s’ils me l’avaient laissé comme je compte la laisser. Je viens d’y faire placer une chaire et un banc d’œuvre dont elle était dépourvue et lorsque la fabrique le pourra, je ferai le reste ; celle cy sera chargée de l’entretien de la sacristie que j’ai fait faire à mes frais. NUGUES, Curé d’EZY.

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