( 27 )   Verneuil (suite)        
 ) Comme deux testes, deux visages,deux cols, quatre pieds, quatre mains, deux natures et autres conduits n'auraient néanmoins qu'un corps depuis le col jusque au bas des reins elles se tenaient embrassées l'une l'autre et leurs pieds étaient entrelacés confusément, leurs costes étaient continues en formes de demi cercle les mesmes servaient à toutes deux il  n'y avait aucune division ni interruption à l'os qui est immédiatement au dessous de la gorge en  sorte  que   par continuité il passoit dans sa figure ordinaire depuis la première épaule d'un de ces enfants et allait rendre à la deuxième épaule du second. Après que cette rareté fut exposée à tous les
habitants de Verneuil, Mes Sébastien Michel et Nicolas Buot Mes chirurgiens y demeurant, ouvroient ce corps en ma présence et dans mon presbytère sur les six heures du soir et a la veue de quantité d'autres personnes trouvèrent bien dans les parties nobles ils ne rencontrèrent qu'un coeur qui mesme n'était pas dans sa situation ordinaire, qu'un estomach, peu de poumons aussi bien que d'intestins. Un mesme ombilic leur avait  fourni une  assez  bonne  et   ample  nourriture parce qu'elles 

estaient parfaitement bien formées et très belles jusque là mesme que leurs teste étaient couvertes de cheveux forts épais aussi longs que des enfants de deux mois néanmoins lateste de celle qui sortit la première était beaucoup plus grosse que celle qui la suivit, mais si ceux qui liront ces choses sont capaples de surprise. moi cy la matière du plus grande fornement ????  du Monde leur mère ne mourut point dans ses (tranchées)???? quoiqu'elle souffrit des douleurs indicibles depuis quatre heures du matin jusques à deux ou trois de l'après disner tant pour leur grosseur extra ordinaireque parce que l'une des testes estant sortie de la matrice l'autre s'estoit courbée contre son épaule qu'on ne peut tirer qu'avec des violences épouvantables, quoyque trois sages femmes y employassent touttes leurs forces et toutte leur adresse durant ce temps ci-dessus marqué. J'estime qu'elles estoient dans le sein de leur mère bouche à bouche et nez à nez mais extrêmement à l'étroit attendu que leurs deux lèvres d'en haut estoient fendues par le lieu où elles se touchoient et leurs narines écrasées les unes contre les autres.  Quoyqu'on aye remarqué leur vie par leur moubvement en sorte que la première a esté baptisée sur la teste en ma présence et suivant mes ordres et l'autre avec condition sur une main qui paraissoit. Néanmoins on n'a peu les voir vivantes après leur sortiesdu ventre de leur mère. Pour ce qui regarde la question de scavoir si dans le corps il y avoit deux âmes je m'y trouve fort embarassé. Car si la difficulté se résout selon la pensée des médecins il est sans doute que le cerveau estant le siège principal de l'âme et ayant deux testes parfaitement bien formées et plus grosses que celles d'enfants ordinaires, il faut conclure nécessairement qu'il y avoit deux âmes.

 

 

 

Que si on se rapporte à la philisophie qui met l'âme nécessairement dans le coeur il n'y auroit qu'un mesme esprit qui animait ses deux testes quatre pieds et quoyqu'il en soit et quoyqu'en puissent dire nos chirurgiens suivant les médecins et philosophes, je crois que dans ce mesme corps  il y avoit deux âmes, attendu qu'avec la poche qu'ils asseuroient estre le coeur j'ay remarqué que une autre qui avait les mesmes figure, grosseur et proportion et pôur ce sujet je me suis toujours comporté dans le  Baptesme et la sépulture de ce double corps comme s'il avoit été séparé. En quoy je ne pourrois

(ce me semble) estre blasmé parceque j'ai toujours panché du costé de la faveur et de la plus grande apparence, ce que tout ce que dessus est certifié comme véritable par moy soussigné François Legendre ptre curé de nostre dame de Poisley et Bachelier en théologie de la faculté de Paris pour avoir été présent à toutte cette action. Fait ce dix huitiesme jour de may mil six cent cinquante huit

                        signé Legendre.

 

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