(58)   Nièvre

Vauclaix

1708/1708

Dans les registres paroissiaux de Vauclaix j'avais trouvé une note € écrite par le curé de l'époque détaillant les conséquences de l'hiver 1708-1709 (hausse des prix de la nourriture, famine, exactions, ...) avec des remarques étonnantes sur le comportement de ses paroissiens pendant les années d'abondance antérieures - sic   "... on voyait aux vêpres des dimanches les cabarets plus pleins que les églises, les hommes qui en sortaient toujours grisés faire des actions indignes de leur caractère, se rouler comme des porcs dans le vin qu'ils régorgeaient...".

 Voici ma transcription :
"Les grands hyvers
Note 2) que l'hiver de 1708 à 1709 fut si rigoureux et si long qu'il se reprit à 3 fois, et dura jusqu'au mois de mars avec grande glace et neige, que tous les noyers des bons pays moururent et la plus grande partie des arbres fruitiers, et dans le Morvan tous les genêts et les houx  moururent en pieds. Tous les froments et les seigles furent aussi perdus par la gelée non seulement dans ce pays de Morvan, mais dans tout le royaume, où il en resta si peu en quelques endroits, comme en cette paroisse de Vaucloix, que l'on ne sema pas la huitième partie des bons grains que l'on semait ordinairement, quoique l'on y employa du blé vieil, et les grains furent si chers que le froment valut jusqu'€à 13 livres le boisseau de Lormes, le seigle 10 livres, l'avoine 4 livres 10 sols et jusqu'€à 100 sols et les autres menus grains à proportion ce qui dura plus de 15 mois, et réduisit les pauvres qui étaient en grand nombreà une si grande misère
 qu'on les voyait brouter l'herbe comme les bêtes dans les champs et grande quantit€é moururent de faim. D'autres pillaient et

volaient partout et mettaient le feu dans les toits à bestiaux pour en manger après qu'ils aient été brûlés. Dans le temps des semences de 1709 le seigle nouveau valut jusqu'€à 15 # le boisseau de Lormes. Les vignes gelèrent aussi si bien que dans les années 1709 et 1710 le vin valut jusqu'à 50 # la feuillette qui en 1708 ne valait que 50 s, et le seigle 14 et 15# le boisseau qui n'avait valu que 14 et 15 s et ainsi des autres grains ce qui causa une famine générale, et réduisit les hommes dans un tel état que la plus grande partie ressemblait plutôt à des squelettes qu'à des hommes vivants. Je ne parle pas seulement des pauvres villageois mais des bourgeois des villes qui se trouvaient fort heureux après avoir mangé à leurs ordinaires le pain de froment les années précédentes,de se repaître et leurs familles dans ces mauvaises années de pain d'orge et d'avoine.

 Ce que je certifie très véritable  à la postérité pour servir de mémoire et en même temps d'information, car les années d'abondance les hommes faisaient dégât des biens que Dieu leur avait donnés. On avait les vêpres des dimanches les cabarets plus pleins que les églises, les hommes qui en sortaient toujours grisés faire des actions indignes de leur caractère, se rouler comme des porcs dans le vin qu'ils régorgeaient ; je laisse à part les jurements, les blasphèmes et les paroles honteuses qu'ils proféraient. Les autres qui étaient plus sages, tant de l'un que de l'autre sexe, ne trouvaient aucun grain à leur fantaisie, ou il était trop chargé ou il n'était pas bien vanné, ou il sentait le vieil ou il avait un mauvais goût. On le mâchait, on le crachait, on le jetait par terre, en un mot on méprisait les biens de Dieu, ou on en faisait un très mauvais usage, pourquoi Dieu nous a justement offert ce que nous ne méritions pas d'avoir. Fasse le Ciel que nous ne voyions jamais un si grand malheur. Ainsi soit-il.
Signé : F. Luc Cirandré, Religieux Carme prêtre, curé"

 
                                              Nb : # pour livre  (1 livre = 20 sols, 1 sol = 12 deniers

accueil
retour M à O  

 

page précédente

page 3

page suivante