Orne (61)

Lonlay-l'Abbaye

 

Voici des extraits du registre BMS 1738-1747 de Lonlay l'Abbaye où l'Abbé Landemore exprime ses sentiments sur les dérèglements climatiques des années 1739 à 1742. Il termine en 1744 par l'observation d'une comète dans le ciel ornais. On sent la préoccupation ressentie par ce curé de campagne par les malheurs des pauvres gens de son village. Il l'a même écrit sur des actes de baptême et d'inhumation. C'est un témoignage très intéressant. J'ai retranscrit tout ce que j'ai relevé sur ce registre. Il doit y avoir des choses analogues dans le registre précédent que je n'ai pas encore feuilleté.

Jean-Marc Varin.

Lonlay l'Abbaye – registre BMS 1738-1747 - Notes de l'abbé LANDEMORE


image 32 – 29 janvier 1739
Nota : Cette présente année a été des plus mauvaise par la longue chèreté des grains qui a duré toute l'année d'où le peuple a été épuisé et sans resource, nonobstant les largesses de sa Majesté qui a fait distribuer par tout son royaume du riz, les pauvres de cette paroisse en ont eu mille livres pour leur portion et part, 40 bosseaux du sarasin pour ensemenser les terres des pauvres 42 bosseaux le tout du Roy.
image 44 – 21 juin 1739
Le dimanche 21e de juin 1739 jour auquel le Sr de Ladenage subdélégué distribuait à Domfront le sarasin que le Roy avait fait venir hors du Royaume pour donner aux pauvres afin d'ensemenser leurs terres, et que toutes les parroisses de la Viconté étaient allés quérir à Grandville
image 50 – 15 novembre 1739
Outre la libéralité de notre Monarque marqué au 29 janvier dernier, il a encore accordé une gratification de 800 tt sur la taille. Les Princes tant temporels qu'Ecclésiastiques se signalèrent en charité cette année : le pieu Prince d'Orléans a nourri trois mois presque les pauvres de son Contat de Mortain.
image 59 – 24 février 1740
Le mercredy vingt quatre février 1740 année bissextile et d'un hyver très long et rude qui n'a point discontinué depuis le 8 janvier j'ay prêtre soussigné batisé Julien né en et du légitime mariage de Jacque Bidard et de Marguerite Louvel par. et mar. Julien  Bidard frère dudit Jacque et Marie Bidard leur sœur marqués
image 60 – 29 févier 1740

Le lundy gras vingt neufième et dernier jour de février 1740 année bissextile et second de l'apparaissance d'un dégel après deux mois d'un froit très rude j'ay prêtre soussigné batisé Anne née en et du légitime mariage de Julien Thierry et de Marie Boucher par et mar. Nicolas Thierry frère dudit Julien et Anne Foucher sœur de ladite Marie marqués.
image 61 – 6 mars 1740
Permission générale de manger de la viande en Carême. Le dimanche premier de Carême année présente plusieurs Evêques de France ont permis dans leurs Diocèses à cause de la disette et des malheurs de l'année passée, et de la rigeur de cet hyver de l'année présente qui a été si rigoureuse qu'il n'est resté aucuns légumes, et quicontinue toujours l'usage de la viande, et entre autres Monseigneur Charles Louis de Froullay notre Evêque du Mans pendant les quatre premières semaines du Carême, savoir les dimanches, lundis, mardis et jeudis jusqu'au jeudy dernier mars en lesquels on pourra manger de la viande à un repas seulement, et ce en observant néanmoins le jeûne commandé par l'Eglise.
image 61 – 12 mars 1740
Le second samedy de Carême douzième du présent mois et an quatrième du dégel audit an 1740 fut inhumé dans le cimetière le corps de Simeon Degrenne fils Louis décédé au bourg agé d'environ quarante ans présence de Mrs Jacque Chedeville prêtre vicaire et Julien Potres prêtre
image 75 – 14 septembre 1740
Nota : Notés que cette année a été facheuse, stérile et tardive les saisons ont été incommodes par la durée du froid de l'hyver et les pluies fréquentes et quotidiennes de l'été : elle a été stérile par le très peu de fruits qui ont été rares depuis trois ans et par le peu d'autres grains et qu'on n'a pas recueilli en leur tems, les bleds n'ayant été murs tout au plutôt au commencement de septembre, et il y en a encore aujourd'huy à lejer , et les sarasins ne sont nullement grenés ; unde verba mea dolore sunt plena, ce quatorze de septembre mil sept cent quarante
image 79 – 3 novembre 1740
Le troisième jour de novembre audit an il nège a presque tout le jour et les nèges durèrent deux jours
images 83-84 – 26 novembre 1740
Nota que la rivière s'enfla tellement des eaux qui tombèrent dimanche et lundy qu'il n'a pas été possible d'entrer en l'Eglise depuis lundy au soir jusqu'à aujourd'huy vendredi vingt troisième de décembre que nous y avons entré quoyqu'encore toute pleine d'eau,  et y avons quatre prêtres de six que nous sommes célébré les divins mystères sans beaucoup d'assistans qui ne pouvaient passer dans les rues qu'avec des chevaux, l'eau «étant encore tout autour de l'Eglise, excepté du côté de la chapelle Saint-Julien, par la porte de laquelle on entrait dans l'Eglise ; l'eau y avait renversé un banc et était montée sur le premier gradin du marche pied du grand autel, aussi dans plusieurs coffres, et presque dans les crédences des deux chapelles attesté ce vingt troisième décembre audit an 1740.
image 86 - 2 pages – 7 janvier 1741
Observations de l'année 1740. Comme les années précédentes on eu leur désagrément et leur stérilité soit à cause de l'abondance des maladies comme celle de 1736. Soit à cause du peu de fruits comme celles de 1739 et 1740. Soit à cause de l'incommodité des chemins et de l'abondance des eaux qui ont tombé dans toutes les saisons sur tout les cinq ou six hivers derniers, soit enfin par la modicité des grains comme en 1739. Ce qui causa une facheuse disette comme nous avons fait remarquer dans cette année là qui auront fait périr quantité de personnes, mais sa Majesté fit de grandes largesses et à son exemple les Princes, surtout Monseigneur le Duc d'Orléans se signala par les abondantes aumônes, les seigneurs Evêques dans leurs Diocèses répandirent leurs charités dans toutes les paroisses, cela eut 40 tt de la miséricorde de Monseigneur de Froulay nôtre Evêque les abbés ne furent pas moins touchés de la misère de leurs peuples, jusqu'aux corps de justice se tasserent à une certaine somme chacun, pour entretenir une aumone publique dans leurs villes, toutes sortes de communautés, les seigneurs et les dames en firent à peu près de même : mais Dieu n'était point encore content ni sa justice satisfaite, elle a éclaté sur les pêcheurs plus cette année qu'en toutes les dernières : d'abord par un froid rigoureux et continuel de trois mois depuis le 7 ou 8 janvier jusqu'au 9 mars sans discontinuer, et après quelques jours de modération vinrent des neges, frimas, et gelées abondantes mais non continuelles qui perdirent la grande apparaissance de fruits que donnaient les bourgeons et les fleurs des arbres
ce qui causa qu'à peine les meilleurs habitans ... et fermiers fissent deux tonneaux de boisson de leur fond à joindre que les pluies qui commencèrent vers la Ste Anne au mois de juillet, et continuement jusqu'après la Saint-Michel ou Saint-Luc sans qu'il y eûtent 20 jours entierrement sereins, et ou il ne tombât de la pluye, empêchèrent le peu de fruits de murrir (on ne les cueillit guères devant la Toussant, et on les pila après, même les laques de Brionne et Bezis ; les pommes se seraient bien gardées jusque à Pâque venant sans être trop murres.) On ne pût de même retirer les grains de la terre, il y avait encore des bleds à sejer au 14 de septembre qu'était pourri dans les champs, l'avoine qui était toute fauchée, l'était aussi et germée, et la paille pourrie dans la récolte ne s'en fit que vers la Saint-Michel. Après ce tems là vinrent des neiges et du froid avant la Toussaint, et un tems rude ; et enfin pour finir l'année comme elle avait commencé arriva cette inondation qu'on peut appeler déluge, qui ruina des villes entières dans l'Europe, à Rouen, dit on, il y eut plus de 60000 personnes obligées de se réfugier dans les couvents, à Paris l'eau entra dans plus de la moitié des caves de la ville, on n'allait qu'en bateau dans les rues.
image 112 – 4 janvier 1742
Nota : L'année dernière 1741 a été sèche et sans eau presque toute l'année quoyqu'il y tombât encore des nèges au mois d'avril, la gelée y perdit tous les fruits futurs dans les lieux et vilages situés en places basses et le long de la rivière ; les vilages éloués eurent encore quelques poires. Il y eut peu de sarazins surtout, et les autres levées de gros grains fut aussi médiocre, le foin fut clair, la chaleur quelques semaines excessive il n'y eut point de maladie cette année que le flux de sang.
image 120 – 27 février 1742
On a glissé par deux années de suite sur la rivière, le froid rend les chemins bons et les glaces communes
image 124 – 20 avril 1742
Nota que depuis la Saint-Julien 27 janvier il n'a point tombé d'eau, et que le tems a toujours été serain, venieux et froid, les chemins beaux
image 130 – 22 septembre 1742
Les fruits ont été tardifs à murir aux arbres les poires valaient 10 s le boisseau Et les pommes 18 s mais il y en avait très peu

image 164 – 20 janvier 1744
Nota : Nota qu'on a vu de ces jours une comette ou étoile à queue à l'occident du soleil de septembre, qui un mois après était au levant de septembre en étoile couronnée ; elle a paru deux mois ou plus.

 
 
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