Saône-et-Loire (71)

Saisy (suite de 1709)

       
                       

soleil  trop violents ont été étouffés dans un instant.

     La nature si dérangée a produit chaque année des maladies extraordinaires qui ont souvent étourdi les médecins des fièvres

  pestilentielles, du flux de sang, du pourpre porté (Maladie qui se manifeste par de petites taches pourprées sur la peau. Il a une grosse fièvre et l'on craint le pourpre

Il est vieux et l'on dit aujourd'hui, suivant les cas : Fièvre scarlatine ou Petite vérole).

de ville en ville par une certaine infection de l'air ont fait des ravages terribles. On remarque qu'à Paris en une année étaient morts plus de 100 000 personnes, plus de

 32 000 à Lyon, plus de 4 000 ou 5 000 personnes à Dijon et autant par rapport dans les autres villes, on n'osait plus sonner les cloches pour les défunts de peur d'effrayer le reste du peuple déjà consterné. Et l'on a observé que les airs empestés allaient volant de ville en ville les unes après les autres, le mal commençait toujours du côté de la Saône et surtout à Macon et à Chalon.

    Voila ce qui est arrivé depuis environ 18 ans et quoique ces maux fussent grands il y avait du relâche, et on avait de quoi se soulager. Mais en cette malheureuse année de 1709 toute sorte de maux sont venus en même temps punir les hommes on ne peut penser à cette année de misère qu'avec horreur, tonnerre et vent, une guerre déclarée depuis plus de vingt ans  toute l' Europe en feu,  toute l' Europe  contre  la France, des batailles effroyables, des provinces ravagées, des taxes, des subsides, des impôts et des vexations horribles avaient déjà mis le peuple dans une disette d'argent extrême, les provisions des années passées qui étaient stériles, très petites, une guerre sanglante qui dévore tout est une source de la peste et de la famine que nous endurons, fléaux terribles de Dieu qui nous châtie et voici en peu le mots la source de cette famine.   

 

L'année 1709, (comme sur toute la France) le six janvier à deux heure de l'après-midi le soleil étant opposé à la terre, il s'éleva une bise si forte et apporta un froid si cinglant qu'il était en son dernier degré et jamais il ne s'est fait une froidure plus rigoureuse qui dura jusqu'au mois de mars. La terre était couverte de neige et les blés auraient été conservés si elle eut toujours tenue, mais le jour elle fondait et la nuit le temps s'éclaircissant il gelait plus fort   qu'auparavant et toujours en augmentant et cela à 3 ou 4 reprises de sorte que n'ayant plus de neige sur la terre qui puisse conserver les blés et la gelée se fortifiant  toujours devait enlever de terre ou déraciner enfin les dits blés, des campagnes auparavant couvertes de verdure ne paraissant plus que de la terre stérile sur qui on ne pouvait trouver un brin de blé et la plupart, étonné de ce spectacle  allait dans les champs creuser et fouir la terre pour voir s'il ne trouvait pas encore le germe mais inutilement les pauvres gens faisaient courir le bruit que les blés restaient encore épargnés mais leur espérance fut vaine tout a été perdu excepté quelques petits cantons qu'on avait fait dans les bois, qui furent conservés par la neige qui ne fond pas sitôt dans les endroits couverts et sauvages. Le peuple, donc tout consterné hors d'espérance de récolte, sans provisions, était déjà en alarme et en émotion, on ne pouvait sortir du blé des villes qu'en danger de perdre et le blé et la vie. À combien cela est-il arrivé. Le blé monta aussitôt à un prix excessif et ceux même qui en avaient ne voulaient pas en vendre et le cachaient dans des cheminées qu'ils faisaient murer. On vendit ledit grain jusqu'à 14 francs le froment ; 120 livres le seigle : 6 livres l'orge et 4 francs l'avoine. Quelque cher qu'ils furent, personne ne voulait vendre dans les marchés, on se l'arrachait des mains et chacun voulait en avoir pour son argent, les plus forts l'enlevaient et les plus faibles étaient  malheureusement foulés aux pieds avec leur argent en main, il se faisait des éditions et des tumultes terribles. Les pauvres gens qui n'avaient ni blé ni argent avaient déjà pris la résolution de voler et les chemins qui en étaient couverts donnaient une si grande épouvante  que

  personne n'osait se mettre en campagne pour faire voyage, on insultait et on attaquait partout même jusqu'aux maisons de la campagne ceux qui n'avaient point de provisions, comme les seigneurs, ne pouvaient  en chercher, ni se mettre sur les chemins qu'en assemblant de grosses troupes d'hommes armés et souvent risquaient une mort car plusieurs villages assemblés et bien armés de toute pièce même jusqu'aux femmes ce qui faisait plus de peine en ont souvent arrêté et partageaient le dit grain entre eux impunément pour éviter de périr de faim, les pauvres n'ayant ni grain ni argent défendaient leur malheureuse vie de toute manière, les riches avec leur argent n'avaient pas plus d'espérance, puisque personne ne voulait vendre  en ces tristes et fâcheuses circonstances. Tout le monde pour dé&fendre sa malheureuse vie se faisait la guerre, il n'y avait que les faibles, pressés par la faim et qui courraient partout pour échapper à la mort qui enfin étaient arrêtés par cette cruelle qui les terrassait et en faisait  de tristes exemples on a a trouvé dans les bois proches des buissons et dans les campagnes et sur tous les chemins, les uns à demi morts, d'autres déjà expirés et quelques uns si languissant et si pressés de la faim qu'ils ne pouvaient faire un pas, nous en avons une quantité en cette paroisse et un grand nombre de nos paroissiens ayant quitté les lieux pour aller chercher sa vie dans un pays plus abondant et moins stérile ont fini leur malheureuse vie de la même manière que que les autres, dans un pays où ils s'imaginaient la prolonger et nous en comptons  près de 200 en cette  seule paroisse que la famine a enlevé de cette vie, tant en ce lieu qu'ailleurs, plusieurs ont été trouvés du coté de Chalon et de Beaune déjà expirés sur les grands chemins, c'est voir une chose pitoyable que de voir toute sorte de personne dans les prairies cherchant des herbes et pâturant comme des bêtes leur visaage décharné, pâle, livide, noir et abattu, leur corps chancelant semblables à des squelettes, faisaient peur aux plus résolus, tandis que ces malheureux combattaient leur vie d'une si fâcheuse manière, les Bourgeois et les habitants des villes avec la force de maintes armées sortaient des villes en bataillons et allaient assiéger les maisons de campagne  où ils se servaient du

 

 grain, ils firent des greniers  d'abondance  qu'ils emplirent de blé qu'ils verraient enlever  par force  dans  les  villages,  ils étaient  souvent plus de 2 ou 300 hommes armés, on faisait des espèces de siège dans les maisons qui étaient capables de résister et il y eut même du côté d'Autun 2 ou 3 hommes tués, le grenier de cette ville fut bientôt rempli de 14 à 15 000 mesures de blé, toutes les villes de la province en firent de même, mais Dieu les punit car le grain qu'on croyait monter jusqu'à la somme de 20 livres revint en 5 ou 6 mois à 5 ou 6 livres il n'y en eut que pour la semence du mois de septembre et d'octobre que le froment nouveau se vendait encore 10 livres et le seigle nouveau 8 livres. Cependant  on faisait des processions de tout les endroits du diocèse, qui venaient à Saint-Lazard pour implorer la miséricorde de Dieu pour son peuple, il y avait  tous les jours un peuple infini et il en venait de 20 à 25 lieues de la ville épiscopale on ne pouvait voir les processions sans être vivement touché, on était dans une consternation étrange, le pain qui était très cher était si rare qu'on n'en pouvait voir, le boulanger ne voulait pas le faire, le pain d'avoine s'est vendu jusqu'à 5 sols la livre et dans le Charolais et le Morvan la plupart ne vivait que du pain de fougère. Dieu enfin touché par tant de maux qui demanderaient des livres entières ce que ne peuvent être exprimés dans un petit abrégé  Dieu (dyé) apaisa sa colère et on sema tant de (trémois) ( froment à grains tendres. qui comprend les touselles, les seisettes et les poulards )

Les touselles : Les touselles, froments sans barbes ou à barbes très courtes et peu nombreuses, et à paille creuse renferment un grand nombre de variétés ou de sous-variétés en froments d'automne ou froments de mars connus sous le nom de trémois, Dans le nombre infini des variétés d'automne, on trouve entre autres :  - a. Le froment de mars commun; épi plus court que celui d'automne, grain plus court aussi et presque dur : c'est le trémois du nord et du centre de la France) qu'il y en eu suffisamment pour l'année. L'année suivante le bon grain ne se vendit plus que 3 livres les habitants des grandes villes furent punis de leur violence par une abondance imprévue et les usures de leur vénalité. Tout revenant à bon prix. Dieu nous préserve.

                       
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